Vaincre la mort = humanicide final

Le bigbrother étasunien, après l'accaparement de nos pensées intimes (via nos recherches sur l'Internet), nos correspondances, nos souvenirs (photos, vidéos) et toutes les formes de communication et géolocalisation, s'attaque à la réalité augmentée (« lunette-espion », lentille électronique) et à la médecine. A terme, il s'agit bien de mettre en œuvre le projet de transhumanisme. En un mot : de vaincre la mort. Super ? Sous couvert de nobles causes, n'y aurait-il pas là, le stade ultime de l'élimination de la race humaine ? Fanch, te voilà encore dans l'excès ! Pas si sûr. Essayons au moins d'argumenter.

Je vois, tu vas encore nous parler de ce que tu appelles les réseaux d'exhibition. Tu m'as déjà expliqué que les boîtes privées qui gravitent autour de face-de-bouc et autres, se font payer pour avoir des abonnés virtuels histoire de faire croire qu'une idée est géniale par des manipulations de masse. Et c'est vrai que cela jette le discrédit sur la spontanéité des dernières révolutions qui partent de ces « outils gratuits » côtés en bourse. Mais, je ne vois pas de manipulation dans le fait de se faire greffer des implants bourrés de capteurs qui prennent des mesures biométriques pour les envoyer sur la toile.

Oui, sauf que j'ai montré à Lucien mon interface domotique (capteurs consommation, température, … dans ma maison). Simplement en regardant la courbe de température de ma chambre ou l'arrêt de la consommation de mon radiateur électrique en plein hiver, il m'a dit quand j'avais invité Bernadette et combien de temps avait duré nos ébats. Alors, je te dis pas comment il va me faire chanter en connaissant mon rythme cardiaque en temps réel.

OK, tu prends des mesures très pointues. Mais la plupart du temps, il s'agit de valeurs anodines noyées dans la masse.

Oui, comme des fadettes (facturations détaillées). Je vois que tu n'as pas entendu cette histoire de ce père venu engueuler la grande surface qui envoyait de la propagande de produits pour bébé à sa fille de 16 ans (pas enceinte) en se fondant sur sa carte de flicage (tu sais ces cartes de surconsommation qu'on t'impose dans chaque magasin).

Tu vois, tu l'avoues toi-même. Ils se trompent, … parfois.

Attends la suite. Il est revenu la semaine suivante pour s'excuser. L'analyse du changement de consommation de sa fille (alimentation, shampoing, serviettes, …) traduisait des changements dans son corps dont elle n'avait pas encore conscience. La grande distribution est informée plus vite que ton médecin. Bref, il est possible de la manipuler avant qu'elle soit consciente d'être réceptive, dépendante à certains arguments.

Mais au-delà du flicage de notre vie la plus intime par des prothèses connectées de tous genres, au-delà, dans notre corps même, de prises de manipulation toujours plus puissantes sur notre libre arbitre, il y a plus grave : des fanatiques cherchent à éliminer la mort. Commençons par décrire ce qui nous effraye tant en elle.

Nous avons tous été confrontés à la disparition d'un proche. La mort est le propre de la vie. Dans ces situations, nous sommes inconsolables. Mais pourquoi ? Notre tristesse changera-t-elle quoi que ce soit pour l'être cher que l'on ne verra plus ? Notre état d'âme provient peut-être de cette occasion où nous faisons face à la précarité de notre propre existence. Une sorte d'introspection contrainte. Ne sommes-nous pas effrayés par l'arrêt irrémédiable et définitif de notre propre conscience ? Surgit alors l’orgueilleuse volonté que notre égoïste individu doive survivre à tout prix. Après tout, nous avons pu vivre jusqu'à présent. Pourquoi ne pas continuer ?

Bien sûr, de tout temps, les civilisations ont créé à leur image des rites et religions pour concevoir une perpétuité idéale dans un monde meilleur. Et doit-on nécessairement faire appel à des ressorts mystiques pour supporter l'inéluctable fin ? Car l'au-delà n'est pas sans danger. Nous avons à l'esprit tous ces dieux (du feu à l'argent, en passant par ceux du pouvoir ou du nucléaire) accompagnés de leurs cortèges mortifères en sacrifices et autres guerres.

Mais, à quoi sert la mort et que serions-nous sans elle ? Imaginons un instant qu'il y a 7 millions d'années (350 mille générations) les australopithèques (par quelles incantations mystiques ou pure malice de la nature), soient devenus immortels. Ce n'est pas 7 milliards d'habitants que la planète devrait supporter aujourd'hui, mais une infinité. Sans la mort, il serait impossible que tous les êtres depuis le début de l'humanité puissent coexister. Devenus immortels, quelle serait l'alternative ?

  • Soit choisir ceux qu'il faut éliminer. Argument débile, car l’immortalité naturel nous conduirait à recréer une mortalité artificielle et institutionnaliser le meurtre systématique.
  • Soit ne plus nous reproduire et fixer une fois pour toute la population mondiale. Argument tout aussi débile, puisque, sclérosés, nous ne pourrions plus évoluer.

Garçon encore une fois tu sautes des étapes ! Que l’immortalité nous empêche d'avoir des enfants, je le comprends. Puisque déjà, les progrès de la médecine appliquée à une natalité galopante conduit à la famine. Mais pour l'évolution, tu repasseras. Nous sommes déjà le stade ultime de la perfection.

Oui, c'est ce que l'on pouvait affirmer au Moyen-Age ou à l'Antiquité. C'est exactement, ce qu'aurait pu concevoir un australopithèque en se jugeant à l'aune de ses propres connaissances. Pour autant, dans cet écosystème, l'être humain a évolué psychiquement aussi bien que physiquement dans son environnement, au même rythme que les autres êtres vivants (faune, flore). Imaginons une humanité cristallisée à l'âge des australopithèques immortels. L'homme contemporain n'aurait jamais vu le jour. Et si aujourd'hui, nous nous rendions immortels à notre tour, nous empêcherions l'arrivée d'une nouvelle génération dans un million d'années, sans nul doute avec autant de différences qu'entre nous et les premiers hommes.

Garçon, tu nous déclares tout de go que la mort est salvatrice et qu'il faudrait crever le plus tôt possible pour laisser la place. Au suivant ! (comme dirait Brel).

Comme tu m'écoutes bien, mais comme tu m'entends mal !

Non seulement Socrate devait apprendre un air de musique juste avant de mourir pour que sa vie eût un sens. Car sinon, il aurait pu mourir plus tôt au moment du repas. Mais ce repas, lui-même n'aurait pas eu de sens donc il aurait pu mourir plus tôt au moment de son sommeil. Et ainsi de suite, en remontant en arrière aucun acte n'avait de sens en soit. En résumé, soit tous nos actes ont un sens soit aucun. Cette démonstration par l'absurde, nous montre combien vivre jusqu'à la dernière minute a du sens pour lui.

Mais justement, il devait également vivre cette dernière réflexion pour transmettre cette nouvelle connaissance (celle qu'une vie doit être vécue jusqu'au bout) afin quelle résonne dans les esprits de génération en génération pour venir jusqu'à nous. C'est son expérience qui nous élève. Nous nous enrichissons donc de l'expérience des plus vieux, même dans leurs derniers instants. Pour pouvoir évoluer, il est indispensable de vivre et expérimenter tous les âges et de transmettre nos savoirs, source de notre émancipation.

Tu ne nous parles toujours pas de transhumanisme. Que voilà une longue introduction ! Je ne vois pas le lien avec les recherches pour remplacer un organe : cœur, rein, œil, une partie du cerveau endommagée, …

Effectivement, il est difficile d'être contre les progrès de la médecine. Et j'en suis pour ma part favorable : greffe, prise en compte de la douleur, … Mais le diable est dans les détails. Les nazis ont mis au point un procédé machiavélique : la dilution des responsabilités. Conduire un train, ouvrir une vannes ne sont pas des gestes répréhensibles isolément. La miniaturisation est telle, qu'il sera un jour possible de reconstruire une cellule de synthèse ou des cellules souches. Bref, nous pourrons changer n’importe quelle partie de notre corps par des robots. Et de franchir allègrement le « n'importe quelle » à « toutes ». A quel moment éthique pourrons-nous dire que l'ajout d'une pièce bionique supplémentaire fait passer d'être vivant à robot ? 33 % ? 50 % ? 99 % ? Suffit-il qu'il reste une cellule d'un ongle pour dire qu'un être est toujours en vie. Bref, à quel moment la coquille vide qui héberge cette haute technologie électromécanique est comparable à un cadavre motorisé ?

De même que déplacer des espèces dans d'autres milieux, ou opérer des mutations génétiques, c'est rompre un équilibre précaire. Si nous généralisons la sélection d'embryons ou la pratique du clonage, nous limitons la diversité aux seuls éléments accessibles à notre connaissance. Nous mettons un terme à l'évolution.

C'est dans ces moments que notre civilisation aura vaincu la mort. Notre civilisation ne comptera bientôt plus aucun humain, mais uniquement des machines sclérosées, des cadavres manipulés, n'ayant nul besoin de reproduction hasardeuse.

Un formidable alibi pour ceux qui détruisent les dernières ressources de notre planète : l'énergie, la terre, l'eau, l'air. Comme quoi « nous vous l'avions dit la science a toujours une solution » : l'humanicide !

La faune et la flore ne devraient-elles pas également disparaître ? Pas de problème nous ajouterons un programme de simulation supplémentaire dans nos cerveaux synthétiques. Il suffit de revoir « Matrix » ou « Passé virtuel » pour avoir une idée claire de ce à quoi mène cette expérience.

La science améliore notre existence de mortel : médicaments, assistances, …. Tant mieux !

Mais attention, la science peut aller encore plus loin et aura un jour les moyens de vaincre la mort en éliminant définitivement l'être l'humain de la planète. C'est à nous qu'il revient aujourd'hui de fixer les limites. De décider si l'on prend cette orientation… ou pas !



François



suite_de_l_agenda/vaincre_la_mort_humanicide_final.txt · Dernière modification : 09/04/2014 14:34 de webmestre